Dossier n° 2
Les fonds d'archives de la Fondation Auschwitz par Annick M'Kele

Depuis 30 ans, la Fondation Auschwitz enregistre des témoignages de rescapés des camps de concentration nazis. Ce dossier présente ses fonds d'archives audiovisuelles et reprend des informations sur la méthodologie en matière de collecte.



2. Méthodologie de récolte et d'archivage des témoignages

La récolte des témoignages

Les premiers contacts et entretiens se sont effectués avec des rescapés qui, de par leurs activités mémorielles, étaient en relation avec la Fondation Auschwitz. Il s'agissait notamment de membres d'Amicales et d'Associations de divers milieux de la mémoire. Désirant recueillir des témoignages représentatifs de ce que furent les crimes contre l'humanité et la déportation, nous nous sommes aussi bien intéressés aux témoignages de la déportation politique qu'à ceux de la déportation dite "raciale". De fait, notre programme audiovisuel touche à un large échantillon de déportés appartenant à des milieux socio–culturels variés et présentant des nationalités différentes.

La prise de contact avec les témoins se déroule comme suit : soit nous prenons contact avec le témoin par le biais d'associations, d'amicales, d'articles ou de livres publiés, de documentaires diffusés, etc., soit le témoin ou sa famille prennent contact avec notre Fondation, encouragé par d'autres survivants qui ont déjà été interviewé. Il arrive assez souvent que ce soient les enfants voire les petits-enfants qui prennent contact avec la Fondation car ils souhaitent connaître l'expérience de leurs parents ou grands-parents.

Nous envoyons au témoin un questionnaire sous forme de fiche biographique que nous lui demandons de remplir. La fiche biographique comportes des données factuelles (identification, parcours...). Cette démarche s'effectue parfois avec un membre de l'équipe et constitue donc une forme de pré-interview. La fiche biographique permet à l'équipe de la Fondation d'entamer un travail de recherche visant à contextualiser les données biographiques réunies. Nous faisons également parvenir au témoin une carte géographique afin qu'il puisse localiser les différentes étapes de sa déportation. L'entretien se déroule le plus souvent au domicile du témoin et l'équipe de tournage se compose généralement d'un caméraman/preneur de son et de un à deux interviewers. Le matériel d'enregistrement se compose d'une petite caméra numérique, d'un pied et de trois spots.

L'entretien est de type semi–libre. Il s'agit d'un récit de vie où nous tentons de suivre une certaine chronologie : l'enfance, la famille, l'école, l'environnement social, politique et culturel, les pratiques religieuses, les activités politiques et associatives, les premières persécutions, l'arrestation, les convois, l'arrivée et la vie dans les camps, les marches de la mort, la libération, le retour à la vie normale, les efforts de réinsertion. La longueur de l'entretien est très variable et peut s'étendre sur deux voire trois séance (cela dépend des dispositions, de la disponibilité, de l'âge et de l'état de fatigue du témoin). Il y a très peu de mouvements de caméra car il s'agit d'un plan fixe avec de temps à autre un léger zoom (mouvements de mains explicites, témoin, qui montre un document, etc.).

Archivage

Le document est archivé à l'état brut et sans montage.
- L'original sur format Betacam pour la Fondation et une copie de travail et de consultation sur format VHS
- Copie sur format Betacam et VHS pour le Fortunoff Video Archive for Holocaust Testimonies de Yale qui centralise les interviews de toutes ses antennes dans le monde
- Copie sur format VHS le témoin

Sur les copies réalisées, nous rajoutons un générique reprenant des données précises (lieu, date de l'enregistrement, etc.) ainsi qu'un time- code. Celui–ci permet de repérer à la seconde près, les diverses parties de l'entretien. Cet outil nous est très utile pour l'indexation et la consultation des témoignages par les chercheurs. Nous récoltons également des archives (documents, photos, cartes, etc.) que le témoin nous confie lors de son enregistrement. Ensuite, nous procédons au travail d'indexation.

Pour une meilleure exploitation des témoignages : la grille d'indexation

La grille d'indexation a été élaborée en vue de faciliter, grâce au time–code, l'accès aux archives aux personnes qui travaillent dans le cadre d'un projet de recherche (Master, doctorat) ou pour d'autres travaux de recherche.

La grille se subdivise en une partie thématique et en quatre index : index des questions et interventions de l'interviewer, index des lieux cités, index des personnes citées, index des noms de collectivités citées. La partie thématique se divise en six chapitres : avant la déportation (milieu familial, études, etc.), les circonstances de l'arrestation, le transport vers l'Est, l'arrivée au camp (description, quarantaine, sélection). Le chapitre le plus important concerne la vie quotidienne dans le camp (différents thèmes sont répertoriés tels que le travail, l'hygiène, la faim, la surveillance, la souffrance, la perception de la mort, etc.) et enfin, la libération et les conditions de retour.

Le travail d'indexation est un travail très important car la grille d'indexation permet de cataloguer les témoignages audiovisuels dans un répertoire de bibliothèque, les interviews pouvant être considérées comme des sources bibliographiques grâce à leur indexation. Cela permet de traiter nos archives orales de la même manière que nos archives écrites, ce qui, bien entendu, facilite le classement et l'accessibilité de nos archives audiovisuelles.