Fiche technique n° 1
Réaliser un témoignage oral [1] : la captation du son

Le matériel de captation sonore est essentiel dans une collecte de témoignages... Quel produit dois-je utiliser pour avoir un bon rendu au niveau du son ? Pour quel budget ? Comment conserver le son récolté ? Comment le diffuser ? Comment le traiter ? La présente fiche technique a pour but de répondre à ces questions.
1. Quel appareil choisir ?

1.1. L’enregistreur

L’idée est la suivante : pour avoir un témoignage oral de bonne qualité, pour une conservation à long terme, on ne peut a priori pas se contenter des petits appareils d’enregistrement bon marchés que l’on trouve dans les grands magasins. Pour réaliser un enregistrement de bonne qualité, il convient donc de se doter d’un appareil un peu plus performant, qui peut être couplé à un micro et être configuré, certes de manière légèrement plus complexe, mais également beaucoup plus correcte (proposition de formats de fichiers ad hoc, choix de la fréquence d’enregistrement et de l’échantillonnage, différentes options pour la captation du son, etc.). Ci-dessous vous trouverez, grosso modo du plus cher au moins cher, diverses marques et divers modèles d’enregistreurs numériques "pros" ou "semi-pros" qui ont clairement fait leur preuve en matière de collecte de témoignages et qui pourront vous servir des années. Cette liste n’est nullement exhaustive.

- NAGRA ARES M-II : Nagra est en quelque sorte la "Rolls Royce" des enregistreurs sonores. Cette marque est souvent utilisée par les journalistes radio pour leurs reportages. Le modèle Nagra-M est l’enregistreur Nagra "début de gamme". Il est portatif, léger (composantes en plastique) et permet de capter un son de haute qualité. Sa qualité a une répercussion directe sur son prix : neuf, il coûte dans les 800-1000 euros.

- Enregistreurs de la marque Marantz : Marantz est également une très bonne marque, proposant des enregistrements de haute qualité avec une gamme de prix plus variée que Nagra. Citons par exemple le Marantz PMD-660, modèle portatif que l’on pourra se procurer pour plus ou moins 550 euros.

- Enregistreurs de la marque Tascam : le modèle début de gamme, le DR-07, s'achète aux alentours de 200 euros... Ce n'est pas le meilleur, loin de là, mais il peut convenir pour la récolte de témoignages oraux si on le couple à un micro extérieur (voir point 1.2). Tascam propose aussi de très bons enregistreurs plus haut de gamme comme le HD-P2 (mais il faut compter pour celui-là 900 euros environ).

- Zoom H4n : appareil de bonne qualité, petit et portable. Il est surtout utilisé par les musiciens pour enregistrer leurs démos (ce qui est dans un certain sens un très bon signe). Il coûte dans 200-300 euros.




1.2. Le microphone (micro)

Tous les enregistreurs disposent d’un micro incorporé mais ceux-ci sont à éviter car ils vont enregistrer les sons de manière omnidirectionnelle, c’est-à-dire capter de la même façon le témoignage oral et les bruits parasites (portes qui s’ouvrent, sonneries de téléphone portable, éventuelle autre conversation dans la pièce...). En utilisant un (voire plusieurs) micro séparé, unidirectionnel (de type "cardioïde" pour utiliser le terme exact) ou bidirectionnel, et donc dirigé vers la (ou les) personne(s) qui parle(nt), on diminue ces bruits parasites.

N.B. : Il existe néanmoins des cas particuliers où il est intéressant d’enregistrer aussi certains bruits alentours (pour capter par exemple une certaine ambiance de travail). Le micro incorporé omnidirectionnel peut donc, dans ces cas particuliers, s’avérer très utile.

Pour avoir un bon micro, pas besoin de dépenser des fortunes. Il suffit d’avoir en tête quelques caractéristiques de base afin de disposer du micro utile au type de témoignage que vous allez récolter...

- Choix de la "fiche" micro : il existe différents types de fiche (ou de prise) permettant de connecter votre micro à votre enregistreur. Le type de fiche choisi doit, pour éviter tout problème, correspondre à un des types d’entrée micro de votre enregistreur numérique. Il existe grosso modo 3 types courants de fiches de connexion : XLR (standard d’enregistrement audio professionnel), jack (6,35 mm de diamètre, fréquemment utilisé comme connecteur micro ou casque sur les chaînes Hi-fi) et minijack (3,5 mm, qui équipe, par exemple, la plupart des baladeurs MP3).



- Utilisation du "micro-cravate" ? Ce genre de micro, que l'on attache sur un vêtement en-dessous de la tête de l'orateur, n'est pas à proscrire à tout prix, mais doit être soumis à des tests préalables. Il peut être utile dans certains cas (interviews de nombreuses personnes, table-ronde avec beaucoup d'intervenants...), mais on lui préférera tout de même le micro séparé du corps, posé à bonne distance (à ce niveau, le mieux est encore faire des tests avant l'enregistrement).

- Choix de la directivité du micro : la directivité du micro désigne la façon dont le micro va capter les sons alentours. Les principaux types de directivité sont : omnidirectionnelle (le micro perçoit tout l’environnement sonore de manière égale, sur 360° - très utile pour les sons d’ambiance mais horrible si vous voulez enregistrer certains sons en particulier) ; unidirectionnelle ou cardioïde (le micro ne capte que les sons venant de l’avant – c’est le plus répandu et il est très utile pour enregistrer une seule personne) ; canon (faisceau de captation encore plus étroit, dirigé vers une cible bien particulière – très utile pour l’enregistrement d’un son spécifique en milieu bruyant et/ou non contrôlé comme une usine, la nature, etc.) ; bidirectionnelle (le micro enregistre à l’avant et à l’arrière de manière égale – son utilisation est très spécifique). Dans le cadre d’un témoignage "standard", l’utilisation d’un micro (ou de plusieurs si plus d’une personne prennent la parole) de type cardioïde/unidirectionnel devrait amplement suffire et donner de très bons résultats.

- Choix de la "famille" : il existe différentes familles de micro. Les deux familles principales sont les micros dynamiques (au principe très simple : la voix – ou un autre son – fait vibrer une membrane reliée à une bobine en fil de cuivre devant un aimant) et les micros électrostatiques (où la membrane, constituée de plastique recouvert d’or, est située devant une plaque métallique fixe, reliée à un condensateur, permettant de convertir directement le son en signal électrique). Les micros électrostatiques donnent de bien meilleurs résultats (ils sont en effet beaucoup plus sensibles et offrent un meilleur rendu au niveau du timbre de la voix, par exemple). Par contre, ils sont plus chers, beaucoup plus fragiles et beaucoup plus soumis aux conditions extérieures (humidité, poussière…) que les micros dynamiques. Pour ces raisons, dans le cadre de témoignages oraux, on pourra opter sans aucun problème la plupart du temps pour un simple micro dynamique, tout en gardant à l’esprit qu’un micro électrostatique pourra s'avérer bien supérieur quand il s’agira d’enregistrer des ambiances où la qualité sonore est clairement importante (musiciens, fanfares, etc.).



2. Traitement du son, conservation et diffusion

2.1. Formats d'enregistrement et compression du son

Le format d'enregistrement est très important. Un mauvais format et/ou une mauvaise compression entraîne une mauvaise conservation et une perte d'information. Pour résumer, on distingue deux types de formats :

- les formats à des fins de conservation ;
- les formats à des fins de diffusion.

Les formats à des fins de conservation doivent permettre une pérennité de l'information recueillie. L'intérêt est ici de conserver l'enregistrement de la manière la plus précise possible, sans compression ou avec compression mais sans perte d'information (lossless). Les formats utilisés à des fins de conservation sont entre autres : WAV/PCM (WAV ou WAVE est un conteneur standard de stockage numérique mis en place pour les systèmes de types Microsoft/IBM ; PCM signifie qu'il n'y a pas de compression, autrement dit que le signal audio est "sans perte" et propre à la conservation) et FLAC ("Free Lossless Audio Codec" qui est en quelque sorte un équivalent libre du WAV/PCM : Flac compresse le fichier mais sans aucune perte d'information, ce qui le rend tout aussi apte à l'archivage audio à long terme).

Les formats à des fins de diffusion ont pour but premier, non pas de permettre le stockage à long terme, mais la diffusion aisée de l'information sur le Web ou via d'autres médias. Dès lors, pour la diffusion sur le Web, la forte compression est presque un passage obligé et les formats utilisés ne seront plus les mêmes. Parmi les formats de diffusion, notons : le MP3 (abréviation de "MPEG-1/2 Audio Layer 3"), sans aucun doute la compression audio la plus connue du grand public (la compression est minime pour l'écoute par l'oreille humaine mais non négligeable si l'on veut conserver à long terme) et Ogg (souvent de type Vorbis), format de compression libre et ouvert, non soumis à un brevet.

Si vous enregistrez un témoignage à des fins de conservation, vous devez vous assurer que votre enregistreur est dans la mesure de sauvegarder le fichier audio dans un format non compressé !

2.2. Récupération du son

Quelque soit l'enregistreur numérique que vous achèterez, le son que vous aurez enregistré sera facilement transférable sur un ordinateur. Le fichier audio sera enregistré sur un support de stockage propre à l'enregistreur (carte SD, comme sur certains appareils photos ; mini-disque durs, etc.) et pourra être transféré via un câble ad hoc (de type USB) ou directement à partir de la carte si vous possédez un lecteur de cartes sur votre ordinateur.

2.3. Traitement

Après la collecte et le transfert du son collecté sur votre ordinateur, il existe de nombreux logiciels permettant le traitement des données audio. Par traitement, on entend toute forme de procédure modifiant le fichier audio comme : effacer certains morceaux de l'enregistrement, diminuer l'écho, augmenter le volume, supprimer le bruit, convertir en un autre format, etc.

Il existe un logiciel libre et gratuit qui permet de faire cela : Audacity, très simple d'utilisation et clairement utilisable par les non-professionnels de l'audio. Autre logiciel, mais payant : Sound Forge. La version "Audio Studio" (un peu moins de 50 euros) convient déjà parfaitement dans le cadre d'un traitement d'archives orales, mais Audacity (gratuit) fera aussi bien l'affaire.