Dossier n° 7
L’histoire du mouvement ouvrier à travers la mémoire orale : une source incontournable ? par Florence Loriaux et Christine Machiels (CARHOP)

Ce texte, issu du rapport final de la Journée d'études "Histoire orale en Belgique" (CEGES,18 novembre 2011), s'intéresse à la mémoire orale ouvrière, en prenant pour exemple le travail réalisé par l'équipe du CARHOP.
Sommaire

1. Introduction
2. Les acquis de l’expérience : les projets de mémoire ouvrière du CARHOP
3. Un projet en cours



2. Les acquis de l’expérience : les projets de mémoire ouvrière du CARHOP

Le Carhop a mené dès le début des années 1980 des projets combinant à la fois une dimension de recherche, de sauvegarde et de valorisation du patrimoine oral qui caractérise le monde du travail mais également une dimension d’éducation permanente. Il s’agissait de permettre à des groupes de travailleurs de se réapproprier leur histoire et de l’ancrer dans leurs réalités et leurs pratiques quotidiennes militantes.

Une première équipe de mémoire ouvrière se développe à Seraing. Composé d’anciens travailleurs et de travailleurs du bassin industriel de Seraing, ce premier groupe, encadré par le Carhop, va recueillir sous forme d’interviews les témoignages de nombreux travailleurs de la région même si on regrette que les femmes aient été si peu nombreuses à intégrer le projet. Après une initiation aux techniques de l’entretien et à la réalisation d’un questionnaire, ce sont les participants eux-mêmes dans une démarche participative qui ont menés les interviews et qui ont suggérés les noms des témoins. Ce travail a fait l’objet d’une première publication intitulée « des travailleurs témoignent 1886-1986 »

Un deuxième projet toujours mené par le groupe de Seraing portait sur la mémoire de l’immigration et mettait en évidence les difficiles conditions de vie et de travail ainsi que la laborieuse intégration des travailleurs migrants au sein des syndicats.

La conception de ce type de projet allait se développer dans d’autres régions.
On assistait au sein des groupes à une véritable prise de conscience de l’importance de sauvegarder cette mémoire non dans une vision passéiste mais dans une volonté d’assurer une transmission intergénérationnelle de leurs expériences, de leurs valeurs et d’aider les jeunes générations à se positionner dans le mouvement ouvrier. On trouve également cette volonté de s’inscrire dans l’histoire et de laisser une trace afin de ne pas rester une simple donnée statistique.
Aujourd’hui, le mouvement ne s’est pas interrompu et de nouveaux groupes se constituent pour poursuivre l’œuvre engagée par leurs aînés, conscients à leur tour de la nécessité de sauvegarder cette mémoire.
Cette collecte de mémoire constitue également un formidable matériau pour l’étude du mouvement ouvrier que nous essayons, dans le cadre de recherche sur les fédérations du Mouvement ouvrier chrétien, de continuer à mener. Le travail est de longue haleine mais l’espérance de vie des militants est souvent bien fragile et la mort interrompt malheureusement parfois prématurément le processus de récupération d’une mémoire volatile. Ces témoins n’ont probablement pas bouleversé le cours de l’histoire mais leurs récits contribuent à donner une dimension humaine qui risquerait d’être occultée si on ne les sauvegardait pas.