Dossier n° 6
Enquête orale sur la mémoire sociale des anciens coloniaux belges : retour d’expérience et réflexions méthodologiques par Florence Gillet (CEGESOMA)

Ce texte, issu du rapport final de la Journée d'études "Histoire orale en Belgique" (CEGES, 18 novembre 2011), détaille la méthodologie appliquée à une grande enquête menée par le CEGES sur la mémoire sociale des anciens coloniaux belges.



La préparation des entretiens

Plusieurs facteurs doivent être pris en compte dans la réalisation d’une campagne de récolte de témoignages oraux, le plus important étant le facteur humain. Cela implique en réalité que l’on ne peut pas toujours tout maîtriser et qu’il faut pouvoir laisser la place à une part d’imprévu. Mais il ne faut jamais oublier que sur le terrain, le temps passe très vite et qu’être bien préparé à un entretien permet d’éviter les faux pas. Evidemment, l’expérience joue aussi un rôle fondamental car elle nous apprend comment réagir dans un certain nombre de situations.

Il est tout d’abord fondamental que le chercheur ait une connaissance approfondie de sa thématique de recherche, non seulement pour asseoir sa légitimité face au témoin mais également pour pouvoir rentabiliser au mieux le temps passé avec la personne interviewée.

Il faut ensuite penser aux différentes thématiques que l’on souhaite aborder, à une certaine logique dans la façon de les aborder. Dans le cadre du second volet de l’enquête consacrée à la mémoire sociale des anciens coloniaux belges, l’objectif était de se concentrer sur le vécu des anciens coloniaux au moment de leur départ du Congo et sur leur réinsertion dans la société belge. Cela impliquait en réalité de s’intéresser à l’ensemble de leur expérience coloniale mais en axant les questions sur l’avant et l’après Congo. C’est donc en tenant compte de cette logique chronologique que j’ai conçu mon plan d’entretien. Ce canevas m’a permis non seulement de rester cohérente dans la façon de mener les interviews mais également d’être certaine de n’oublier aucun élément. A chaque fois qu’une thématique était abordée et que j’estimais en avoir fait le tour avec le témoin, je la marquais d’une croix et passais à la suivante. Bien évidemment, après plusieurs interviews, je maîtrisais suffisamment ma grille pour pouvoir y naviguer les yeux fermés, ce qui me permettait entre autres de laisser plus facilement le témoin sauter d’une thématique à l’autre en fonction des connexions qu’il souhaitait réaliser. Cette grille a vraiment été un élément fondamental car elle m’a permis de cadrer l’entretien tout en laissant libre cours à la parole du témoin.

Autre élément qui permet de consolider la préparation de l’entretien : la réalisation d’un dossier documentaire sur le témoin, reprenant les éléments déjà connus (mémoires publiées, réponses au questionnaire écrit le cas échéant, archives disponibles, informations recueillies lors d’un premier entretien téléphonique, etc.) Ce dossier peut bien entendu être complété après l’interview. Sa richesse permettra aux chercheurs d’avoir une connaissance plus approfondie de la personne interviewée, même des années après l’entretien, en particulier pour des historiens extérieurs au projet de départ. Le dossier documentaire constitue une source écrite qui vient compléter la source orale, contrairement à ce qui est pratiqué traditionnellement, la source orale étant généralement utilisée comme soutien aux documents écrits.